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Responsabilité de l’agent immobilier et condition suspensive de la vente

Publié le 22 Février 2021

Lorsqu’une vente est conclue sous une condition suspensive dont la bonne exécution a été confiée à un intermédiaire, ce dernier devra veiller à prendre les mesures adéquates pour en assurer la bonne réalisation. À défaut, ce dernier pourrait voir sa responsabilité engagée.

Contrat de vente et condition suspensive

Dans les contrats de vente immobilière, il n’est pas rare que les parties décident d’assortir leur accord d’une ou plusieurs condition(s) suspensive(s).

L’existence du contrat de vente dépendra dès lors de la réalisation d’un évènement futur et incertain préalablement déterminé par les parties. Ainsi, à titre d’exemples, les parties prévoient souvent de conclure la vente sous la condition suspensive de l’obtention par l’acquéreur d’un crédit, ou de l’obtention par le vendeur d’un permis d’urbanisme de régularisation lorsque le bien est grevé d’une infraction urbanistique.

Le contrat de vente n’existera dès lors réellement que lorsque la condition incertaine déterminée par les parties se sera réalisée.

Afin d’éviter que le débiteur de l’obligation, de par son comportement, empêche la condition de se réaliser, le législateur a prévu que “la condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement” (article 1178 du Code civil).

Autrement dit, si le débiteur de l’obligation empêche la condition de se réaliser, cette dernière sera réputée accomplie.

Les agents immobiliers devront être particulièrement attentifs lorsque, dans le cadre de leur mission, ils intègrent de telles conditions suspensives dans les contrats de vente.

Responsabilité du courtier à l’égard du vendeur

Dans un arrêt du 21 janvier 2019, la Cour d’appel d’Anvers a retenu la responsabilité d’un agent immobilier qui s’était vu confier une mission de courtage exclusive pour la vente d’un immeuble qui contenait une telle condition suspensive (Anvers, 21 janvier 2019, R.G. n° 2017/AR/1095, Not. Fisc. Maand., 2020, liv. 4, p. 110).

Dans cette affaire, les vendeurs avaient signé un contrat de vente contenant une condition suspensive en faveur de l’acquéreur ayant pour objet l’obtention d’un permis d’urbanisme de régularisation. Les vendeurs s’étaient engagés à introduire leur dossier de régularisation dans le mois de la signature du contrat de vente sous seing privé. Ils avaient confié à leur agent immobilier la tâche de présenter le dossier de régularisation.

La Cour d’appel d’Anvers a constaté que les vendeurs étaient restés en défaut d’effectuer les démarches nécessaires dans les délais prescrits pour obtenir le permis d’urbanisme de régularisation. Ce manquement avait conduit à l’impossibilité pour les parties de signer l’acte authentique dans les quatre mois de la signature du compromis de vente. La réalisation tardive de ces démarches avait conduit l’acquéreur à solliciter la rupture contractuelle et l’obtention de dommages et intérêts.

Si, en l’espèce, l’agent immobilier avait bien veillé à mandater un architecte pour déposer la demande de régularisation, il ne s’était par contre pas inquiété d’insérer, dans le contrat conclu avec cet architecte, une clause spécifiant le délai dans lequel le dossier de régularisation devait être déposé. Or, le respect du délai pour le dépôt de la demande de régularisation était essentiel puisqu’il était lié à la bonne exécution de l’obligation elle-même liée à la condition suspensive des vendeurs à l’égard de l’acquéreur.

Dès lors, la Cour d’appel d’Anvers a conclu qu’en se limitant à informer l’architecte du délai pour déposer le permis d’urbanisme sans en imposer le respect via l’insertion d’une clause, l’agent immobilier ne s’est pas comporté comme se serait comporté tout agent immobilier normalement prudent et diligent. Partant, la Cour d’appel d’Anvers a condamné l’agent immobilier à supporter les conséquences de son comportement imprudent. Ce dernier a ainsi été condamné à indemniser ses clients (les vendeurs) de tous les montants en principal, intérêts et dépens auxquels ils ont été condamnés à l’égard de leur cocontractant (l’acquéreur).

L’implication de l’agent immobilier dans la réalisation de la condition suspensive n’est pas sans conséquences sur la bonne exécution de ses prestations. Nous ne pensons pas que cela soit systématique mais cette responsabilité sera effectivement concevable si l’agent immobilier, comme en l’espèce, a pris des engagements à l’égard de son client pour la bonne réalisation de la condition suspensive.

 

Article rédigé par Eve Michel - Avocate Lexing

Article issu de la rubrique "L'Avis du Juge" du Federiamag n°24

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