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Peut-on remettre indéfiniment une question à l’ordre du jour ?

Publié le 22 Février 2021

Un copropriétaire forclos de son droit d’agir en annulation d’une décision d’assemblée générale peut-il rouvrir le débat en remettant à l’ordre du jour d’une réunion d’assemblée ultérieure le point déjà tranché par le passé ?

La décision commentée

Le tribunal de première instance francophone de Bruxelles a estimé, dans un jugement rendu le 24 mars 2020, qu’un copropriétaire ne pouvait remettre à l’ordre du jour d’une assemblée générale de copropriété, un point déjà tranché lors d’une assemblée précédente et qui avait fait l’objet d’une décision devenue définitive en l’absence de recours introduit dans les délais.

Qu’en est-il de l’ordre du jour ?

Le syndic doit mettre à l’ordre du jour des assemblées qu’il convoque les points utiles à une bonne gestion de la copropriété (approbation des comptes, des budgets, rapports d’évaluation, seuil pour les marchés, etc.) mais également tous les points que les copropriétaires lui demandent d’inscrire.

Il n’a donc en principe pas de pouvoir d’appréciation et la loi ne précise pas comment doit se présenter l’ordre du jour (une décision récente du juge de paix du canton de Wavre estime par exemple que le fait de joindre un courrier en annexe à l’ordre du jour, reprenant les points demandés par un copropriétaire, pouvait s’expliquer par la volonté de ne pas “déformer ses propos” : J.P. Wavre, 15 décembre 2020, inédit, R.G. n° 20A555).

Les motifs d’annulation d’une décision 

Tout copropriétaire peut demander au juge d’annuler ou de réformer une décision irrégulière, frauduleuse ou abusive de l’assemblée générale si elle lui cause un préjudice personnel.

En l’espèce, le copropriétaire avait demandé à l’assemblée de trancher la question du rétablissement du raccordement d’une chambre de bonne lui appartenant au système de chauffage central de l’immeuble. L’assemblée avait refusé et le copropriétaire avait introduit une action en abus de majorité.

Le tribunal ne va pas se prononcer sur l’abus de majorité pourtant vraisemblable (il nous semble que la solution la plus dommageable pour le copropriétaire concerné avait été choisie) mais va considérer que ce point avait déjà été tranché de manière définitive lors d’une assemblée précédente et ne pouvait donc être représenté au vote.

Le délai d’action et son point de départ

L’action en nullité ou réformation d’une décision d’assemblée générale doit être intentée dans un délai de 4 mois. Passé ce délai, la décision est définitive, et le point de départ de ce délai, autrefois discuté, est à présent clair : il s’agit de la date à laquelle s’est tenue l’assemblée.

Le cas d’espèce

En l’espèce, il n’était pas reproché au copropriétaire de ne pas avoir respecté le délai de 4 mois pour introduire son action mais d’avoir fait “revivre” le droit d’action dont il était forclos par rapport à une décision prise 4 ans auparavant sur le même sujet.

La décision nous semble critiquable dans la mesure où l’assemblée doit rester souveraine. La vie en copropriété peut évoluer dans le temps. Comment concevoir qu’une décision prise sur un point il y a plusieurs années (ce qui était le cas en l’espèce) puisse devenir immuable ?

Force est toutefois de constater que la jurisprudence majoritaire va plutôt en sens contraire (voir toutefois une décision du juge de paix du 3e canton de Liège qui considère qu’”il est erroné, particulièrement en matière de travaux, de soutenir qu’une décision prise en assemblée générale sur un point de l’ordre du jour rend la décision prise irréversible en ce sens que le même point ne pourrait plus jamais être remis à l’ordre du jour d’une autre assemblée générale et faire l’objet d’un vote en sens inverse” : J.P. Liège (3e cant.), 13 mars 2016, T. app.-R.C.D.I., 2017/2, p. 1182).

En réalité, dans les cas cités et concernant les faits soumis au tribunal, c’est plutôt l’abus de procédure qui est sanctionné, la position des copropriétaires au fil des ans semblant assez claire (voir à cet égard une décision récente de la justice de paix d’Ixelles qui considère qu’un point tranché précédemment peut être remis à l’ordre du jour et discuté mais que la décision ne peut être réformée si la situation n’a pas évolué : J.P. Ixelles, 14 février 2018, J.L.M.B., 2018, p. 496).

Il peut être admis qu’un copropriétaire qui abuse de son droit de demander à ce qu’un point soit mis à l’ordre du jour se voie sanctionné si la volonté de l’assemblée, au fil des ans, est claire et qu’il apparaît que le propriétaire a omis de se pourvoir dans les temps contre une ancienne décision.

Il nous semble toutefois qu’il ne faille pas en faire une généralité. Un copropriétaire doit pouvoir mettre tout point à l’ordre du jour (ce que la décision commentée admet) et attaquer, dans les délais légaux bien évidemment, la décision qui ne lui convient pas et, enfin, l’emporter si ses arguments de fond sont convaincants !

 

Article rédigé par Carole De Ruyt - Avocat, Cairnlega

Article issu de la rubrique "L'Avis du Juge" du Federiamag n°24

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