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Gérer nos peurs en temps de crise

Publié le 01 Juin 2020

Certains ont de bonnes raisons d’avoir peur, car ils ont été en contact direct avec la mort d’un proche suite au COVID-19. Notre objectif d’humain étant de vivre, cette confrontation directe est un traumatisme et ces personnes doivent affronter celui-ci avec comme difficulté supplémentaire que la menace liée à leur trauma est omniprésente et invisible.

Ces hommes ou ces femmes ont besoin d’être aidé(e)s, sans quoi, leur comportement dans la sphère professionnelle ou privée peut devenir inadéquat et présenter plus de difficultés à long terme. Je vous invite à lire à ce sujet les articles d’Evelyne Josse, spécialiste des interventions psychologiques en cas de pandémie. 

Pour les autres, qui n’ont pas été en contact direct avec la mort, le COVID-19 ne peut pas être une réponse à tout. Oui nous avons eu peur. Oui cette situation inédite nous a confrontés à notre capacité d’adaptation, mais également a sollicité nos résistances. Mais nous avons aussi été nombreux à nous faire duper par ce qu’on appelle un biais cognitif. Tous les éléments étaient là pour faire un raccourci simple dans nos pensées : “COVID-19 = MORT”.

C’est donc naturellement que notre peur s’est activée, renforcée et encore aujourd’hui maintenue en alerte. Mais la peur n’est pas focalisée au bon endroit, elle emprunte un chemin de pensée biaisé. Il s’agit d’une "fausse peur". Voici les 4 ingrédients qui favorisent un biais cognitif :

  • une quantité d’information trop importante,
  • des informations désordonnées, dont le sens se perd,
  • des informations reçues en peu de temps,
  • et notre besoin de ne retenir que l’information essentielle.

À cause de ce biais, nous allons entretenir notre peur et créer des comportements inadéquats, comme par exemple l’isolement excessif ou refuser certaines tâches liées à notre travail.

"J’ai peur de retourner au travail. Le télétravail c’est plus safe. En plus, c’est Sophie Wilmès qui l’a dit."

Le fait que l’autorité supérieure est activée, les autres règles sont, elles, désactivées au profit de ce qui nous arrange.

Cependant, si on prend le temps de déconstruire ce biais cognitif, on constate que la peur n’a pas été questionnée. Dès lors elle devient insidieusement un alibi. Celui-ci étant validé par la majorité de la population qui se comporte de façon semblable cela renforce l’idée que mon comportement est le bon.

"Ils l’ont dit à la télé donc j’ai le droit / l’autorisation de ne pas aller travailler".

Ce qui est un droit devient, pour certaines personnes malheureusement, une obligation ou une excuse. Pas facile pour le dirigeant de PME qui essaie tant qu’il peut de tenir la barque hors de l’eau d’accepter ce genre de comportement.

Certes, les tire-au-flanc qui font des barbecues à 10 dans le jardin le dimanche, mais qui télétravaillent le lundi par “précaution” de contagion sont des personnes qui profitent de la crise et en abusent (je remercie le participant du webinaire organisé par Federia d’avoir donné cet exemple). C’est un fait, il y aura toujours lors de crise des abuseurs face aux nouvelles règles exceptionnelles. Ce n’est pas nouveau. C’est juste visible autrement en cette période.

Un autre mécanisme de défense par rapport à cette crise est de chercher à reprendre rapidement le cours de nos vies comme avant, comme si de rien n’était. Nous cherchons à récupérer nos repères pour diminuer notre stress. Nous avons l’impression qu’en cachant le problème, celui-ci disparaît, que si nous retournons travailler, il n’y a plus de risques. Mais c’est faux, le virus invisible est encore présent. Que notre réaction soit la peur et la méfiance, l’abus ou le déni et l’indifférence, dans tous ces cas, nos réactions sont une réponse extrême, donc inadéquate.

Retenez ceci : chaque individu aura perdu quelque chose dans cette crise exceptionnelle : Son emploi, son mariage, des projets, de l’argent, de la confiance, de la sécurité ou encore pire un proche. Il est donc illusoire de reprendre le travail “comme avant”. Il nous faut intégrer d’autres réflexes dès maintenant dans notre management.

Alors que faire pour garder nos collaborateurs, nos clients ?

Il nous faut absolument sortir de chez nous et nous déconfiner, sinon un autre problème de taille nous pend au nez : une population dysfonctionnante, méfiante et contrôlante. Et sortir implique reconnaître que le problème COVID-19 n’est pas encore réglé. Alors on fait comment ?

  • On reconnaît que tout ne tourne pas comme avant.
  • On cherche à placer son curseur au bon endroit : ni dans la parano, ni dans la négligence.
  • On fait appel à son bon sens et on pratique les gestes adéquats dès que cela est possible.

Et si on constate que le curseur est coincé, alors on prend son téléphone et on trouve une personne-ressource pour nous aider. Lorsqu’on a mal aux dents, on va voir un dentiste, lorsqu’on a une douleur chronique au dos on va voir son kiné. Lorsqu’on a peur tout le temps ou qu’on se sent insécurisé ou qu’on a perdu un proche et qu’on est cassé de l’intérieur, c’est pareil, on va trouver de l’aide chez un coach/thérapeute/psy.

Oui, mais comment faire lorsqu’un client ne veut pas respecter la procédure de sécurité ? “Je ne vais quand même pas perdre mon client, je ne peux pas me le permettre !”

Il n’y a pas de formule magique pour changer les gens. Si après dialogue et explications la personne ne veut pas porter le masque ou souhaite quand même venir faire la visite d’une nouvelle maison en famille (avec ses 3 enfants), dans ce cas, c’est à vous, et vous seul, de définir vos priorités : être protégé et protéger vos poches ou garder un client pour conclure une vente. Il n’y a que vous qui pouvez choisir et donc régler le problème rapidement. 

Les travers de tous sont augmentés pendant cette crise, c’est un fait. De nombreuses personnes vont dysfonctionner. Vous devez donc augmenter vos exigences par rapport à vos priorités et votre responsabilité individuelle et collective.


Emilie Somers
Thérapeute et formatrice dans les organisations professionnelles

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