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La présomption de contrat de travail à temps plein en cas de défaut de publicité des horaires à temps partiel ne vaut que pour l’ONSS

Publié le 18 Décembre 2023

OBJET DE L’ARRÊT COMMENTÉ : le champ d’application de la présomption établi par l’article 22ter de la loi du 27 juin 1969

Dans un arrêt du 24 avril 20231, la Cour de cassation avait à connaître d’un pourvoi dirigé contre des arrêts rendus les 8 novembre 2021 et 13 juin 2022 par la cour du travail de Liège en ce qui concerne la présomption légale instaurée par l’article 22ter de la loi du 27 juin 1969 qui veut qu’un travailleur à temps partiel est présumé travailleur à temps plein lorsqu’il n’y a pas eu de publicité des horaires de travail à temps partiel.

PROBLÉMATIQUE : en faveur de qui est instaurée la présomption ?

C’est une disposition qui est établie non pas au profit du travailleur, mais en faveur de l’ONSS, afin de lui permettre la perception et le recouvrement des cotisations sociales : le travailleur ne peut donc pas s’en prévaloir pour obtenir de la rémunération. La rémunération étant la contrepartie du travail, le travailleur ne peut pas revendiquer automatiquement de la rémunération. Il lui incombera, en vertu de l’article 8.4, alinéa 1er, du Code civil qui règle la charge de la preuve, de prouver les prestations de travail qu’il aurait effectuées à temps plein pour pouvoir en demander la rémunération.

En l’espèce, les arrêts de la cour du travail sont cassés par la Cour de cassation parce que la cour du travail soutenait qu’en application de l’article 22ter de la loi du 27 juin 1969, le travailleur était présumé avoir effectué ses prestations dans le cadre d’un contrat de travail en qualité de travailleur à temps plein et que l’employeur ne produit pas d’éléments prouvant que le travailleur aurait travaillé à temps partiel. En considérant donc que, parce que l’employeur n’apportait pas la preuve contraire, le travailleur était présumé occupé à temps plein, il y a un renversement de la charge de la preuve qui est opéré par la cour du travail qui se prononçait bien pourtant ici dans une demande formulée par le travailleur pour une prime de fin d’année, de la rémunération et des pécules de vacances.

ENSEIGNEMENTS : pour le travailleur, l’absence de contrat écrit à temps partiel ne donne pas lieu à une présomption de contrat à temps plein pour réclamer la rémunération

Il convient donc de rappeler que les employeurs qui occupent des travailleurs à temps partiel doivent respecter certaines obligations en termes de publicité des horaires à temps partiel et, s’ils ne le font pas, cela entraînera une présomption de contrat de travail à temps plein, mais cette présomption ne peut être évoquée que par l’ONSS pour réclamer les cotisations sociales et non par le travailleur pour réclamer de la rémunération. En effet, au niveau du droit du travail, l’article 11bis de la loi du 3 juillet 1978 n’instaure pas de présomption de travail à temps plein. En effet, à défaut d’un écrit constatant le travail à temps partiel ou en présence d’un écrit qui ne contient pas les mentions requises, la sanction est le choix du travailleur du régime et de l’horaire de travail à temps partiel qui lui semble le plus favorable, mais ce n’est pas pour cela que le contrat devient à temps plein. S’il veut réclamer de la rémunération, il appartient au travailleur d’apporter la preuve de l’existence d’un contrat de travail à temps plein et il n’y a pas de présomption à défaut d’écrit. Il pourrait donc y avoir une régularisation sur la base de l’article 22ter des cotisations sociales au profit de l’ONSS sans ouvrir de droit à la rémunération si le travail n’a pas réellement été effectué à temps plein.

Du neuf ?

L’arrêt de la Cour de cassation est conforme, à cet égard, à sa jurisprudence antérieure2. La Cour de cassation s’était prononcée à l’époque sur l’article 171 de la loi-programme du 22 décembre 1989 qui créait des présomptions identiques3.

Article rédigé par Steve Gilson Avocat au barreau de Namur, Maître de conférences à l’UCLouvain et  Chargé de cours à l’ICHEC

Article issu de la rubrique "L'Avis du Juge" du Federiamag n°35

En collaboration avec 

 

   

 

1 R.G. n° S.22.0086.F/1.
2 Cass., 28 avril 1997, Pas., 1997, I, p. 204 ; Cass., 4 octobre 1999, Pas., 1999, p. 501 ; Cass., 29 février 2016, Pas., 2016, n° 146 ; voy. aussi : C.C., arrêt n° 40/98, 1er avril 1998.
3 En ce qui concerne l’article 22ter de la loi du 27 juin 1969, voy. Cass., 18 février 2002, Pas., 2002, pp. 480-486.

 

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