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Quelle réponse pénale face à un client harcelant au téléphone ou par e-mail ?

Publié le 20 Juin 2023

Que faire face à un copropriétaire ou un client qui téléphone ou envoie des e-mails tous les jours ? S’agit-il de harcèlement ?

Base légale

A priori, deux articles de loi nous intéressent :

  • d’une part, l’article 442bis du Code pénal qui punit tout type de harcèlement d’une peine d’emprisonnement de quinze jours à deux ans et/ou d’une amende de 400 euros à 2400 euros quiconque aura harcelé une personne alors qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il affecterait gravement par ce comportement la tranquillité de la personne visée ;
  • d’autre part, l’article 119 du Code pénal social qui punit d’une peine de six mois à trois ans de prison et/ou d’une amende de 4800 à 48 000 euros toute personne qui entre en contact avec les travailleurs lors de l’exécution de leur travail, et qui commet un acte de harcèlement moral au travail.

Il faut que les actes commis par le harceleur affectent gravement la tranquillité d’une personne déterminée alors que ce dernier savait ou aurait dû savoir que son comportement allait avoir une telle conséquence. Le harcèlement au travail nécessite que les actes portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique du travailleur. En outre, le harcèlement a été envisagé par le législateur comme un comportement à caractère répété.

Preuves

Même si le fait de faire des appels téléphoniques incessants est considéré comme du harcèlement, l’impact psychologique, profondément perturbateur, que doit avoir le harcèlement n’est pas toujours facile à démontrer. Afin d’opérer une appréciation objective, il convient de prendre en considération, notamment : la répétition de faits, la nature des relations entre la victime et le harceleur, la sensibilité de la personne s’en plaignant, les conséquences pour elle desdits agissements, la manière dont de tels agissements sont généralement perçus par la société, la durée du harcèlement, etc. La justice prendra en compte les déclarations de la victime mais également des témoignages (de collègues ou de clients) ou des pièces médicales. En outre, il faut que l’acte vise une personne déterminée, ce qui n’est pas nécessairement le cas lorsqu’un client envoie non-stop des e-mails ou passe des appels téléphoniques dans le cadre d’un dossier car il n’a pas nécessairement pour but de harceler une personne déterminée.

Si les faits ne sont pas de nature à affecter gravement la tranquillité de la personne harcelée, il existe une dernière possibilité de déposer plainte : l’article 145, § 3bis, de la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques punit d’une amende de 20 à 300 euros et/ou d’un emprisonnement de quinze jours à deux ans la personne qui utilise un réseau ou un service de communications électroniques ou d’autres moyens de communications électroniques afin d’importuner son correspondant.

Cet article permet de sanctionner la personne qui en harcèle une autre via n’importe quel réseau de communication, qu’il soit téléphonique ou informatique (e-mail, Messenger, etc.). Dans ce cas, il suffit que l’auteur ait eu la volonté d’importuner le destinataire des communications électroniques. Contrairement au harcèlement de droit commun, la loi du 13 juin 2005 n’exige ni une répétition de plusieurs comportements, ni que la tranquillité de la victime ait été effectivement perturbée. Il est donc plus facile à utiliser à l’encontre d’un client qui ne cesse de téléphoner ou d’envoyer des e-mails.

Déposer plainte

Quelle que soit la base légale, précisons que seule une personne physique peut être l’objet d’un harcèlement. Une société ne peut pas déposer plainte pour harcèlement à son encontre.

Dans tous les cas, une plainte peut être déposée. S’il s’agit d’un harcèlement sur la base de l’article 442bis du Code pénal ou sur la base de la loi du 13 juin 2005, le Procureur du Roi est compétent. S’il s’agit d’un harcèlement dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, l’auditeur du travail est compétent.

La plainte est en générale déposée auprès d’un service de police. Le service de police peut éventuellement prendre contact avec le harceleur pour lui demander de cesser ses actes. Mais vous pouvez également écrire directement un courrier au procureur du Roi ou à l’auditeur en indiquant clairement l’objet de la plainte et les circonstances qui mènent au dépôt de plainte.

Précisez en fin de courrier que vous vous déclarez personne lésée. Cela oblige le ministère public à vous informer des suites de la procédure (classement sans suite, citation, etc.) et vous permet de déposer des documents au dossier.

Bien entendu, le ministère public peut classer sans suite s’il estime que les faits ne sont pas assez graves, ou pas suffisamment établis ou s’il a d’autres priorités. Éventuellement, précisez dans votre courrier que vous souhaitez seulement recouvrer votre tranquillité et qu’un rappel à la loi par le magistrat ou par la police vous semble le plus adéquat. Si les faits persistent, vous pourrez toujours déposer une nouvelle plainte.

Article rédigé par Charles-Éric Clesse, Professeur ordinaire à l’ULB et Directeur adjoint de l’IFJ

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