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La messagerie du travailleur : access denied ?

Publié le 20 Juin 2023

Malgré l’introduction de l’e-mail dans l’entreprise depuis une vingtaine d’années déjà, la question du droit pour l’employeur d’accéder à la boîte e-mail d’un travailleur reste épineuse. Sans entrer dans des considérations liées à un cadre légal qui n’est pas des plus cohérents, des bonnes pratiques se sont toutefois dégagées en la matière. Elles traduisent une nécessaire conciliation entre deux préoccupations, à savoir le respect du droit au respect de la vie privée du travailleur et les intérêts de l’entreprise en termes de continuité du travail et de contrôle du respect des règles d’utilisation de la messagerie professionnelle définies par l’employeur.

Remarquons d’emblée que le droit au respect de la vie privée et la protection des communications électroniques s’appliquent aux communications privées et professionnelles. La distinction entre les deux n’est d’ailleurs pas toujours évidente à établir. Bon nombre de communications qui ont effectivement un objet lié au travail peuvent avoir une dimension plus personnelle, notamment des échanges informels entre collègues.

Les bonnes pratiques dégagées sont de deux ordres.

RÉGLEMENTATION INTERNE

Les premières visent à prévoir une réglementation interne, par exemple une charte IT ou le règlement de travail, qui définit les règles encadrant l’usage de la boîte de messagerie. C’est d’ailleurs une condition pour pouvoir contrôler une boîte de messagerie en la convention collective de travail n° 81 applicable au secteur privé1.

Indépendamment d’un possible « contrôle », la plupart des questions qui se posent en pratique ont trait à des considérations plus pragmatiques : que faire si un travailleur est en incapacité de travail et qu’il ne peut ou ne veut pas collaborer au suivi de ses dossiers en donnant accès à des informations indispensables à la continuité de l’entreprise ? La réponse a été rappelée à plusieurs reprises par l’Autorité de protection des données2. Cela doit également être prévu dans une réglementation interne. Les règles peuvent imposer des obligations au travailleur (par exemple, mettre en place une réponse automatique d’absence renvoyant vers un autre interlocuteur) et prévoir une procédure en cas d’absence ou de départ inopiné pour accéder à la boîte e-mail (par exemple, en faisant intervenir un tiers neutre pour rechercher un e-mail pertinent). L’Autorité de protection des données recommande également de laisser la possibilité au travailleur de récupérer ou d’effacer des e-mails privés lors de son départ de l’entreprise et de supprimer son adresse dans un délai raisonnable3 après son départ.

OUTILS DE TRAVAIL ADÉQUATS

D’autres bonnes pratiques concernent la mise en place et la gestion des outils de travail. Pour éviter les questions liées à l’accès à des boîtes e-mail pour le suivi de demandes critiques pour l’entreprise en cas d’absence ou de départ par exemple, une adresse e-mail fonctionnelle (de type comptabilité@nomdelentreprise.be) accessible à
plusieurs personnes chargées du suivi peut être créée. Il reste cohérent de prévoir parallèlement des adresses nominatives destinées à l’exécution d’autres tâches du travailleur ou à des échanges non liés à l’objet de la messagerie fonctionnelle (par exemple, pour les demandes de congés). Il peut également être prévu des règles de classement des e-mails dans des espaces de travail partagés (par exemple, enregistrement des e-mails pertinents dans un CRM).

Les solutions vont toutes dans le même sens : prévoir, et ce en toute transparence vis-à-vis des travailleurs, des mesures raisonnables et proportionnées pour régler les situations qui se peuvent se présenter.

Article rédigé par Karen Rosier, Avocate au barreau du Brabant wallon (Versius) et Maître de conférences à l’UNamur

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1 Convention collective de travail no 81 du 26 avril 2002 relative à la protection de la vie privée des travailleurs à l’égard du contrôle des données de communication électronique en réseau, disponible sur le site https://cnt-nar.be.
2 Décisions 64/2020 et 46/2022 de la Chambre contentieuse, disponibles sur le site https://autoriteprotectiondonnees.be.
3 Dans sa décision 64/2020, la Chambre contentieuse estime ce délai à un mois.

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