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Recouvrement de charges de copropriété impayées : la question de la prescription et de son point de départ

Publié le 28 Mars 2023

Dans son jugement du 27 juillet 2022, le juge de paix (suppléant) du canton de Woluwe-Saint-Pierre rappelle quelques principes en matière de prescription. Profitons-en pour aborder brièvement cette importante thématique.

Avant toute chose, qu’entend-on par « prescription » ?

La prescription est un mécanisme selon lequel, passé un certain délai légal, il n’est plus possible de faire valoir en justice un droit ou une demande à l’égard d’autrui. L’action judiciaire ne sera alors pas recevable par le juge. Le but de la prescription consiste à assurer à tout un chacun une certaine sécurité juridique et paix sociale passé l’écoulement d’un certain laps de temps.

Quel est le délai de prescription en matière de copropriété, et comment se calcule ce délai ?

Le législateur a prévu divers délais de prescriptions en fonction de la demande et/ou du droit qui sont revendiqués. En matière de recouvrement de charges de copropriété impayées, le délai de prescription est de 5 ans, conformément à l’article 2277, alinéas 5 et 6, du Code civil qui prévoit que : « […] généralement tout ce qui est payable par année, ou à des termes périodiques plus courts, Se prescri[t] par cinq ans ».
Ce délai de 5 ans se calcule à partir de l’échéance des charges communes.

À noter également que la prescription se compte « par jours, et non par heures » (art. 2260 du Code civil), et qu’« elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli » (art. 2261 du Code civil).

Exemple

Un copropriétaire est redevable à l’égard de l’ association des copropriétaires («ACP») d’arriérés de charges communes dont les plus anciennes charges impayées sont échues depuis le 6 mars 2018.

Le 6 mars 2023 à minuit, le délai de prescription de 5 ans arrivera à la fin de son terme en ce qui concerne les charges échues depuis le 6 mars 2018, pour autant que ce délai de prescription n’ait pas été suspendu ou interrompu au cours de son écoulement de 5 ans.

En effet, la loi prévoit divers mécanismes, dont la citation en justice, pour interrompre ou suspendre le cours de la prescription (cf. art. 2242 et s. du Code civil).

Pour reprendre l’exemple ci-dessus, il faudra que l’ACP mandate son huissier de justice pour qu’il signifie la citation en recouvrement d’arriérés de charges au copropriétaire débiteur au plus tard le 6 mars 2023.

Une autre possibilité permettant d’interrompre le cours de la prescription consiste à mandater l’avocat de l’ACP pour qu’il adresse une mise en demeure interruptive de prescription au débiteur avant l’échéance du délai de prescription initial, soit dans l’exemple repris ci-dessus, au plus tard le 6 mars 2023.

Attention, une telle mise en demeure, pour être valable, doit répondre à des conditions légales précisées à l’article 2244, § 2, du Code civil. Elle présente l’avantage d’interrompre le délai de prescription et de faire courir un nouveau délai d’un an, soit jusqu’au 6 mars 2024 (et de donner ainsi l’occasion aux parties de gagner une année pour tenter de régler leur litige à l’amiable et faire l’économie, le cas échéant, d’une procédure devant le juge de paix).

Attention, « la prescription ne peut être interrompue qu’une seule fois par une telle mise en demeure, sans préjudice des autres modes d’interruption de la prescription », selon l’article 2244, § 2, du Code civil. Autrement dit, si aucun paiement ne devait être obtenu amiablement à la suite de l’envoi de cette mise en demeure interruptive de prescription, l’ACP devra alors se résigner à initier la procédure judiciaire devant le juge de paix, via citation (qui permet d’interrompre la prescription jusqu’au prononcé d’une décision de justice définitive). Cette citation devra être signifiée au débiteur avant l’échéance du nouveau terme, c’est-à-dire au plus tard le 6 mars 2024 dans le cas illustré ci-avant.

Que se passe-t-il en cas d’écoulement du délai de prescription ?

Si ce délai de prescription de 5 ans n’a pas été suspendu ou interrompu, pendant l’écoulement des 5 années, alors l’action en recouvrement de charges qui seraient arrivées à échéance plus de 5 ans avant la signification de la citation en justice sera prescrite.

Dans ce cas, l’action en recouvrement sera alors déclarée irrecevable par le juge, qui déboutera la copropriété de sa demande portant sur des arriérés de charges échues depuis plus de 5 ans au jour de la signification de la citation par l’huissier de justice au copropriétaire débiteur.

Quel enseignement tirer du jugement du 27 juillet 2022 du juge de paix de Woluwe ?

À juste titre, le juge de paix de Woluwe rappelle que le délai de prescription ne commence pas à courir à dater de la décision d’AG qui approuverait les comptes (incluant entre autres les charges impayées du copropriétaire débiteur), mais bien à dater de l’échéance de chacune de ces charges impayées. En effet, une fois qu’une charge est échue, elle constitue une créance dans le chef de l’ACP à l’égard du copropriétaire débiteur et fait courir le délai de prescription de 5 ans.

C’est donc à juste titre que le juge de paix de Woluwe a déclaré que « la demanderesse [NDLR : l’ACP] ne peut être suivie lorsqu’elle fait valoir qu’elle ne dispose d’un titre pour recouvrer les charges à l’égard des copropriétaires que par l’effet d’une décision d’assemblée générale, le délai de prescription de son action n’ayant commencé à courir qu’à partir de la date de cette décision de l’assemblée générale des copropriétaires intervenue plus tard (moins de 5 ans à dater de la date de la citation). Il ne faut pas confondre la créance, d’une part, et d’autre part la capacité du créancier à réclamer le paiement de celle-ci, soit deux choses différentes ».

En conclusion, si un copropriétaire accumule des arriérés de charges, le syndic devra veiller à faire interrompre ou suspendre le cours de la prescription à temps. « À temps », cela signifie endéans l’écoulement du délai de prescription de 5 ans, qui court non pas à dater de la décision d’AG approuvant les comptes (incluant ces charges communes impayées), mais bien à dater de la date à laquelle les charges impayées sont échues et constituent une créance dans le chef de l’ACP à l’égard du copropriétaire débiteur.

Article rédigé par Sibylle Timmermans, Avocate au barreau de Bruxelles et Médiatrice agréée - OAK LAW Firm

Article issu de la rubrique "L'Avis du Juge" du Federiamag n°32

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