Thématiques | Federia
Actualités | Vente Location

Les limites de la prospection immobilière : quelques rappels utiles à l’attention de l’agent immobilier intermédiaire

Publié le 21 Décembre 2021

La prospection immobilière fait partie de l’ADN de l’agent immobilier intermédiaire. Rechercher des biens à mettre sur le marché, obtenir de nouvelles missions d’intermédiation, solliciter et/ou développer une « clientèle » potentielle notamment au travers d’opérations immobilières innovantes, et/ou tout simplement se faire connaître du public aux fins de développer ses activités professionnelles, sont des « incontournables » du métier de l’agent immobilier intermédiaire.

On n’abordera pas ici les techniques purement commerciales ou de marketing mais bien, comme étant une « piqure de rappel » et sans vouloir être exhaustif, quelques considérations intéressant le cadre légal et déontologique qui s’impose au professionnel agréé et qui ont volonté à cadrer sa démarche commerciale. Rappelons à cet égard que l’objectif même de la déontologie vise l’exercice digne et intègre de l’activité professionnelle et que fait partie de la déontologie toutes dispositions légales et/ou réglementaires intéressant cette activité.

Faut-il aussi rappeler que tout manquement à cet égard exposera l’agent immobilier tant au risque de voir sa responsabilité civile professionnelle être mise en cause sur le plan judiciaire que de subir les affres de la sanction disciplinaire.

Première limite qui n’est pas des moindres et qui trouve sa source tant dans la déontologie que dans la loi, concerne le respect de la vie privée et plus précisément la protection des données personnelles. On vise évidemment ici un ensemble d’obligations issues du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD)1 et qui concernent l’ensemble des données personnelles (nom, prénom, adresse, numéro de téléphone, date de naissance, adresse mail…) que l’agent peut recueillir dans le cadre et/ou pour les besoins de sa démarche de prospection. Tout un chacun sait très bien que la base de données dans l’immobilier est le cœur du business de l’agent immobilier et représente un actif non négligeable de l’entreprise.

La prospection commerciale implique forcément la collecte de données personnelles par l’agent immobilier, raison pour laquelle il faut être très attentif à l’application du RGPD. En cas de manquements les sanctions financières et/ou disciplinaires sont là pour en rappeler toute l’importance et l’actualité de la problématique. Le consentement exprès de la personne qui confie ses données personnelles est l’une des conditions essentielles de conformité au RGPD. En substance, il s’agit d’obtenir des « prospects » leur accord exprès en vue de l’utilisation de leurs données personnelles, de façon explicite et transparente, et uniquement pour la finalité indiquée.
Par exemple, a ainsi été sanctionné sur le plan disciplinaire, l’agent immobilier intermédiaire qui sans avoir le consentement exprès de l’amateur qui s’était présenté à lui pour une visite des lieux, avait intégré dans sa base de données ses coordonnées et même après quelques recherches sur internet son adresse mail et l’avait relancé par courriel de prospection pour un autre bien immobilier aux caractéristiques similaires. Cette prospection non sollicitée et mise en œuvre sur base de données personnelles pour lesquelles la personne n’avait pas donné son consentement exprès, a été considérée comme portant atteinte à la vie privée de la personne et sanctionnée.

De même, exploiter des données obtenues d’un « tiers » en vue d’une prospection immobilière, en faisant l’acquisition par exemple d’une liste de contacts ou d’une base de données reprenant par nature des données personnelles, oblige préalablement l’agent immobilier à s’assurer que lesdites données ont été obtenues conformément au RGPD et qu'il peut les utiliser à des fins de prospection. Ainsi, si l’acquisition des données repose sur le consentement, le tiers a dû obligatoirement stipuler la possibilité que les données puissent être transmises à d’autres destinataires pour leur propre prospection. En tout cas, il appartient à l’agent immobilier de le vérifier préalablement à toute éventuelle démarche de prospection. Enfin, l’agent immobilier doit également s'assurer que la liste ou la base de données est tenue à jour et qu'il ne sollicite pas des personnes qui se sont depuis opposées au traitement de leurs données à caractère personnel à des fins de prospection.

L’agent immobilier doit en outre s'assurer que s’il utilise des moyens de communication tels que les courriers électroniques à des fins de prospection, il se conforme aux règles fixées dans la directive « vie privée et communications électroniques » (directive 2002/58/CE1). Ces listes sont traitées au motif de l'intérêt légitime, et les personnes concernées auront le droit de s’opposer à ce traitement. L’agent immobilier doit également informer ces personnes, au plus tard au moment de la première communication avec elles, qu'il a collecté leurs données à caractère personnel et les traitera pour leur envoyer des sollicitations.

Cette collaboration avec ce type de « tiers » peut aussi le cas échéant au vu des services réellement offerts, être qualifiée « d’apporteur d’affaires » soulevant d’emblée une seconde limite, liée étroitement à la question délicate de l’éventuelle collaboration de l’agent immobilier avec un « tiers » qui exercerait illégalement la profession d’agent immobilier. Faut-il rappeler que ce type de collaboration est totalement prohibé au risque de lourdes sanctions disciplinaires et judiciaires (civiles et/ou pénales) ? Il faut donc y être très attentif et vérifier que celui qui établirait de telles listes ou banques de données ne posent d’actes qui relèvent de la profession réglementée, notamment par exemple en ayant contact avec la « clientèle » potentielle aux fins d’opérations d’intermédiation. A cet égard, selon l’IPI « le tiers indépendant ou la personne morale qui "introduit" des biens immobiliers auprès d’un agent immobilier agréé doit également disposer d’une agréation IPI. La recherche de clients en tant qu’indépendant pour un membre agréé IPI relève des activités de l’agent immobilier et requiert donc aussi une agréation ». La prudence s’impose donc.

Comme troisième limite liée elle aussi au respect de la vie privée celle imposée à l’agent immobilier lorsqu’il a accès à des banques de données et qui font que celui-ci ne peut recueillir et traiter que des informations directement liées à l’exercice de la mission à l’occasion de laquelle la consultation est demandée. En d’autres mots, il doit avoir une mission qui justifie l’accès à la banque de données et l’utilisation des données et uniquement pour les besoins de ladite mission. Sur le plan disciplinaire la Chambre exécutive a ainsi sanctionné à diverses reprises des agents immobiliers intermédiaires qui avaient fondé leurs prospections immobilières au départ de recherches sur le site « CadastreFinder »; rappelant ainsi et sans la moindre ambiguïté que jamais les recherches sur cette banque de données ne peuvent servir à des fins commerciales telles des études de marché et/ou de prospection et que pour avoir accès l’agent doit justifier de l’existence préalable d’une mission écrite de la part d’un commettant2.

Quatrième limite qui outre le respect préalable du RGPD, vise plus spécifiquement la prospection téléphonique de l’agent immobilier et conformément au Code de droit économique (CDE) l’interdiction de tout appel téléphonique pour des raisons de « marketing direct » vers un numéro de téléphone qui est repris dans la liste « ne m’appelez plus » gérée par l’ASBL Do Not Call Me (DNCM), permettant à chaque abonné téléphonique belge de faire valoir son droit d’opposition générale à être contacté par téléphone pour des campagnes de marketing direct. L’agent immobilier veillera donc, avant toute prospection de ce type, à consulter cette liste et à en garder la preuve, puisqu’en cas d’infraction, le CDE prévoit des amendes pénales qui, selon la gravité, peuvent atteindre 25 .000 €.

Le non-respect de cette limite dans la prospection peut conduire au non-respect d’une cinquième limite et qui veut de manière très générale, que l’agent immobilier ne peut harceler quiconque aux fins d’obtenir une mission. Si le « prospect » a le sentiment notamment au vu de l’insistance pesante, des agissements inadéquats et répétés liés à la prospection immobilière de l’agent, d’être « victime » de cette situation, la responsabilité de l’agent pourra être poursuivie même sur le plan pénal.

Sixième limite : dans le cadre de sa prospection l’agent immobilier intermédiaire a aussi l’obligation de vérifier auprès de son commettant potentiel si celui-ci a déjà confié antérieurement une mission d’intermédiation à un autre agent immobilier. On se situe donc ici dans une phase précontractuelle initiée par la prospection immobilière. Il appartient ainsi à l’agent immobilier de respecter les engagements qui préexisteraient entre le propriétaire-vendeur et un autre agent immobilier. En effet selon la déontologie, l’agent immobilier doit s’abstenir de toute attitude ou acte déloyal de nature à nuire à un confrère (Art. 23) De fait, si une mission exclusive a déjà été confiée à un autre agent, il ne pourra pas proposer une quelconque mission et se devra d’attendre que la mission préexistante ait effectivement pris fin. De même, si une mission non exclusive a déjà été confiée, l’agent immobilier ne peut pas proposer dans sa prospection une mission exclusive ; il se doit là aussi de « respecter » la mission déjà attribuée à un confrère.

Comme septième et très large limite à sa prospection, rappelons que l’agent immobilier ne peut rechercher une mission dont la nature ou l’objet serait contraire aux dispositions de la déontologie, transgresserait des dispositions légales, contreviendrait à des décisions de justice ou tout simplement mettrait en péril son indépendance. Prospecter des personnes qui n’ont pas ou plus la capacité juridique par rapport à l’opération immobilière (comme des personnes sous administrateur provisoire, déclarée en faillite ou en règlement collectif de dettes…); prospecter des biens immobiliers qui ne peuvent être mis sur le marché ; prospecter en proposant des opérations immobilières illégales par exemple quant au respect du cadre légal anti-blanchiment ou quant au mode de rémunération de l’agent… est totalement prohibé dans le chef du professionnel et lourdement condamnable.

En termes de conclusion et très loin d’avoir ici été exhaustif quant à la problématique, une attitude s’impose dans le chef de l’agent immobilier intermédiaire dans sa démarche de prospection immobilière : l’extrême prudence. L’agent immobilier se doit en effet d’être attentif à toutes ses obligations légales et déontologiques qui ont principalement pour objectif d’éviter des « dérapages » dont l’image de marque de la profession ne pourrait que pâtir.

Article rédigé par TORDOIR Marc-Ph.
Avocat
www.tordoirmarc.com

1 Règlement (UE) 2016/679 du parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données – en droit interne : Loi du 31 juillet 2018 (M.B., 5 septembre 2018)

2 www.ipi.be/disciplinaire/decisions-disciplinaires-des-chambres-jurisprudence - notamment Chambre exécutive, décision du 20 mai 2020, DD 3672 ; décision du 28 août 2020, DD 3758 ; décision du 12 février 2021,DD 3864.

Partagez cet article
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de données personnelles à des fins statistiques d'information relatives à la navigation. Voir la charte de vie privée pour plus d'informations.