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Tour d’horizon des droits d’enregistrement en matière d’acquisition d’immeubles dans les trois Régions

Publié le 20 Juin 2023

La matière des droits d’enregistrement à l’acquisition de biens immeubles est régionalisée. Ce transfert de compétences a vu naître une importante concurrence fiscale entre les trois Régions à l’initiative tout d’abord de la Région flamande. Les modifications récentes apportées par les législateurs régionaux à leurs régimes de droits d’enregistrement à l’acquisition démontrent encore leur souci de se démarquer pour attirer de nouveaux acquéreurs sur leurs territoires. La présente contribution offre un aperçu de la situation et des réformes à venir.

En Région de Bruxelles-Capitale

Le taux normal des droits d’enregistrement est de 12,5 %1 mais les primo-acquéreurs peuvent bénéficier d’un abattement en cas d’habitation unique2.

Abattement en cas d’acquisition d’une habitation unique

Depuis le 1er avril 2023, la base imposable aux droits d’enregistrement est désormais réduite de 200.000 euros en cas d’acquisition par une personne physique de la totalité en pleine propriété d’un immeuble affecté en tout ou partie à l’habitation en vue d’y établir sa résidence principale et pour autant que la valeur de l’immeuble n’excède pas 600.000 euros.

Très concrètement, dès lors que le taux applicable en Région de Bruxelles-Capitale sur les ventes immobilières est de 12,5 %, l’abattement de 200.000 euros aboutit à un avantage fiscal de 200.000 x 12,5 %, soit 25.000 euros, ce qui est appréciable.

Le bénéfice de l’abattement est toutefois soumis au respect de plusieurs conditions cumulatives :

  1. l’acquéreur ne peut posséder, à la date de la convention d’acquisition, la totalité en pleine propriété d’un autre immeuble destiné en tout ou en partie à l’habitation ; lorsque l’acquisition est faite par plus d’une personne, chaque acquéreur doit remplir cette condition et, en outre, les acquéreurs ne peuvent posséder ensemble la totalité en pleine propriété d’un autre immeuble destiné en tout ou en partie à l’habitation ;
  2. le ou les acquéreurs doivent s’engager à établir leur résidence principale à l’endroit de l’immeuble acquis dans les trois ans, ce délai commençant à courir à compter de l’enregistrement de l’acte constatant l’acquisition ou à compter de la date limite de présentation de cet acte à la formalité de l’enregistrement ;
  3. ils doivent s’engager à maintenir leur résidence principale dans l’immeuble acquis pendant une durée ininterrompue d’au moins cinq ans à compter de la date de l’établissement de leur résidence principale dans l’immeuble pour lequel la réduction a été obtenue.

Sanctions en cas de non-respect des conditions

Si la première des conditions énumérées ci-avant (absence de détention d’un autre immeuble) n’est pas respectée, les acquéreurs sont indivisiblement tenus au paiement des droits complémentaires sur le montant de la réduction de la base imposable, et d’une amende égale à ces droits complémentaires. À cet égard, il faut signaler que si l’abattement n’a pu être accordé en raison de la détention d’un autre immeuble, il pourra néanmoins être obtenu sur demande en cas de revente de cet immeuble dans les deux ans. Il faudra néanmoins déjà solliciter le bénéfice de l’abattement dans l’acte d’acquisition du nouvel immeuble. À défaut, le délai pour solliciter une correction sera réduit à six mois. C’est l’un des pièges classiques de la procédure fiscale applicable à la matière de l’abattement.

Si la seconde condition n’est pas respectée, les mêmes droits complémentaires et la même amende sont dus indivisiblement par les acquéreurs lorsqu’aucun d’eux ne satisfait à l’engagement. Lorsque certains acquéreurs ne satisfont pas à cet engagement, les droits complémentaires et l’amende auxquels ils sont indivisiblement tenus, sont déterminés en proportion de leur part légale dans l’immeuble acquis. L’amende n’est toutefois pas due lorsque le non-respect de l’engagement résulte de la force majeure (décès, accident grave, maladie, divorce, séparation, etc.). La notion de force majeure est en général interprétée de manière très restrictive par l’administration fiscale.

Si la troisième condition n’est pas respectée et sauf cas de force majeure, des droits complémentaires sur le montant de la réduction de la base imposable sont dus indivisiblement par les acquéreurs lorsqu’aucun d’eux ne satisfait à l’engagement. Ces droits complémentaires seront désormais réduits en proportion du nombre d’années ininterrompues complètes durant lesquelles l’engagement précité a été respecté. Aucune amende complémentaire n’est due dans ce cas.

À titre d’exemple, si l’acquéreur n’a maintenu sa résidence principale que durant sept mois, il devra restituer la totalité de l’abattement fiscal, car la condition n’a pas été respectée pendant une année complète au moins. S’il a maintenu sa résidence principale durant deux ans et cinq mois, le montant à restituer sera égal à 3/5ème de l’abattement.

En cas de pluralité d’acquéreurs, l’abattement ne doit être restitué totalement ou partiellement que si aucun d’entre eux ne maintient sa résidence principale dans le bien.

Le délai de cinq ans s’apprécie en fonction de la date d’inscription du domicile au registre national des personnes physiques.

Application aux abattements obtenus antérieurement au 1er avril 2023

La nouvelle règle selon laquelle l’abattement ne doit être restitué que proportionnellement à la durée de domiciliation effective dans le bien s’appliquera aux abattements accordés avant le 1er avril 2023. Un beau cadeau à certains propriétaires bruxellois qui pourront envisager avec moins d’appréhension un futur déménagement.

Abattement supplémentaire en cas d’amélioration de la performance énergétique de l’immeuble

L’ordonnance du 17 novembre 2022 introduit également un abattement supplémentaire en cas de rénovation énergétique importante de l’immeuble. Cet abattement complémentaire s’élève à 25.000 euros par saut de classe énergétique, à condition qu’il y ait une amélioration de deux niveaux au moins sur l’échelle de PEB de l’immeuble.

Si les acquéreurs sollicitent le bénéfice de cet abattement complémentaire, ils doivent s’engager à réaliser les travaux et à occuper le bien comme résidence principale dans les cinq ans de la date de l’enregistrement de l’acte d’acquisition (ou de la date limite de présentation de l’acte à la formalité de l’enregistrement).

En Région wallonne

En Région wallonne, le taux des droits d’enregistrement est également de 12,5 %3 mais les acquéreurs peuvent, le cas échéant, bénéficier d’un abattement en cas d’habitation unique4 ou d’un taux réduit pour habitation modeste5.

Abattement en cas d’habitation unique

Depuis le 1er janvier 2018, l’abattement en Région wallonne est de 20.000 euros, ce qui représente une économie fiscale de 2.500 euros (soit 20.000 euros x 12,5 %) sur la base du taux ordinaire de 12,5 %.

Le bénéfice de l’abattement est soumis au respect de plusieurs conditions cumulatives qui sont similaires à celles applicables en Région de Bruxelles-Capitale auxquelles nous renvoyons sous réserve que les acquéreurs ne doivent maintenir leur résidence principale dans l’immeuble acquis que pendant une durée ininterrompue de trois ans contre cinq en Région de Bruxelles-Capitale.

Les sanctions applicables au non-respect des conditions sont également identiques à celles en vigueur en Région de Bruxelles-Capitale sous réserve, en ce qui concerne l’obligation de maintien de la résidence principale, que ces droits complémentaires ne sont pas réduits proportionnellement au nombre d’années durant lesquelles l’engagement a été respecté comme c’est le cas en Région de Bruxelles-Capitale.

Une réforme à venir

Le gouvernement de la Région wallonne a annoncé en novembre 2022 travailler à un avant-projet de décret portant sur la réforme de l’abattement sur les droits d’enregistrement. L’objectif du gouvernement wallon est que ce décret puisse être voté pour l’été 2023.

Le montant de l’abattement devrait être doublé et s’appliquer de façon dégressive en fonction de l’importance de la valeur du bien acheté. La tranche exonérée qui est actuellement de 20.000 euros passerait à 40.000 euros pour autant que le prix du bien ne dépasse pas 350.000 euros (soit un avantage fiscal de 5.000 euros, contre 2.500 euros auparavant). Pour les biens ayant une valeur de plus de 350.000 euros, le montant de l’abattement serait réduit progressivement en fonction de la valeur de l’immeuble. À partir de 500.000 euros, l’abattement sera appliqué sous la forme que l’on connaît actuellement, c’est-à-dire un abattement limité à 20.000 euros.

Taux réduit en cas d’habitation modeste

Dans le but de favoriser l’accès à la propriété pour les habitations modestes, la Wallonie connaît également des taux réduits de droits d’enregistrement de 6% ou de 5% sur une première tranche du prix de l’immeuble.

Cette tranche varie selon la zone où se situe l’habitation achetée6 :

Si le bien est situé en « zone de pression immobilière », la tranche pouvant bénéficier du taux réduit de 6 % est de 195.049,46 euros (montant indexé au 1er janvier 2023) ;

La liste des communes situées en zone de pression immobilière, mise à jour au 1er janvier 2023, est la suivante : Arlon, Attert, Aubel, Beauvechain, Braine-l’Alleud, Braine-le- Château, Chastre, Chaumont-Gistoux, Court-Saint-Etienne, Eghezée, Enghien, Fernelmont, Genappe, Gesves, Grez- Doiceau, Incourt, Ittre, Jalhay, Jodoigne, La Bruyère, La Hulpe, Lasne, Messancy, Mont-Saint-Guibert, Nandrin, Neupré, Nivelles, Ottignies-Louvain-la-Neuve, Perwez, Profondeville, Ramillies, Rixensart, Silly, Verlaine, Villers-la-Ville, Walhain, Waterloo, Wavre.

Si le bien est situé en dehors d’une zone de pression immobilière, la tranche pouvant bénéficier du taux réduit de 6 % est de 182.858,86 euros (montant indexé au 1er janvier 2023).

Le solde du prix reste, quant à lui, imposé au taux ordinaire de 12,5 %.

Lorsque l’achat permet à l’acquéreur d’obtenir un crédit hypothécaire « social », le taux sera de 5 % sur la même base (195.049,46 euros si l’immeuble se trouve dans une zone de pression immobilière et 182.858,86 euros dans les autres cas).

Pour bénéficier de ce taux réduit des droits d’enregistrement sur la première tranche, plusieurs conditions doivent être réunies7. L’acquéreur doit être une personne physique et l’acquisition doit porter sur la totalité en pleine propriété d’une habitation modeste, celle-ci étant définie par référence à son revenu cadastral qui ne peut dépasser 745 euros (ou 845 euros pour l’acquéreur qui a trois ou quatre enfants à charge ; 945 euros s’il a cinq ou six enfants à charge ; 1.045 euros s’il a sept enfants à charge ou plus).

L’immeuble acquis doit être l’unique bien possédé par l’acquéreur, son conjoint ou son cohabitant légal. Ils ne peuvent être propriétaires (ou avoir un autre droit réel, comme un usufruit) d’une autre habitation, même pour une partie indivise.

Enfin, l’acquéreur doit se faire inscrire dans les registres de la population à l’adresse de l’immeuble endéans les trois années qui suivent l’acte notarié d’acquisition et y maintenir sa résidence pendant une durée ininterrompue de trois ans.

Si ces conditions d’occupation ne sont pas respectées, l’acquéreur devra payer à l’administration fiscale, non seulement la différence de droits entre le droit normal de 12,5 % et le droit réduit de 6 % (ou 5 %), mais aussi une amende qui peut atteindre 6,5 % de droits complémentaires. Dans ce cas, le droit payé atteindra 19 %. La prudence s’impose donc.

En Région flamande

Le taux des droits d’enregistrement a été relevé à 12 %8. Toutefois, des taux de 3 %, voire de 1 %, sont applicables en cas d’acquisition d’une habitation propre et unique servant de logement familial9 et l’acquéreur personne physique peut, le cas échéant, prétendre à une réduction forfaitaire pour habitation modeste.

Le système de reportabilité des droits d’enregistrement spécifique à la Région flamande vit ses dernières heures puisqu’il prendra fin le 1er janvier 2024. Nous ne l’évoquerons donc pas.

Taux réduit de 3 %

Un tarif de 3 % est appliqué en Région flamande pour l’achat d’une habitation unique et propre servant de logement familial. Plusieurs conditions doivent être respectées pour pouvoir bénéficier de ce régime. L’acquisition doit être effectuée par une personne physique et porter sur la pleine propriété de l’immeuble. L’acquéreur ne peut posséder à la date de l’acquisition d’autres immeubles servant de logement ou de terrains à bâtir. L’acquéreur devra se faire inscrire à l’adresse de la propriété dans les trois ans qui suivent l’acquisition.

Taux réduit de 1 %

Si l’habitation fait l’objet d’une rénovation énergétique en profondeur (rénovations majeures) ou d’une démolition et reconstruction dans un délai de cinq ans suivant l’acquisition, l’acquéreur peut bénéficier d’un taux encore plus avantageux fixé à 1 %10.

Réduction forfaitaire des droits d’enregistrement

Lorsque l’acquéreur personne physique achète une maison individuelle et familiale, il peut également bénéficier d’une réduction forfaitaire des droits d’enregistrement si la valeur d’acquisition de l’immeuble ne dépasse pas un certain montant11.

Lorsque l’acquisition est soumise au taux de 3 %, la réduction est de 2.800 euros et lorsque c’est le taux de 1 % qui est appliqué, la réduction est égale à 960 euros.

Plusieurs conditions doivent être respectées pour bénéficier de cette réduction.

L’acquisition doit porter sur la pleine propriété d’un bien immobilier dont le prix d’achat ne peut dépasser 220.000 euros ou 240.000 euros si le bien est situé dans une commune principale ou dans une commune de la périphérie flamande autour de Bruxelles. Sont des « communes principales » les communes d’Alost, Anvers, Boom, Bruges, Termonde, Genk, Gand, Hasselt, Kortrijk, Louvain, Malines, Ostende, Roeselare, Saint-Nicolas, Turnhout et Vilvoorde. Les « communes de la périphérie flamande autour de Bruxelles » désignent quant à elles les communes de Affligem, Asse, Beersel, Bertem, Bever, Dilbeek, Drogenbos, Gammerages, Gooik, Grimbergen, Halle, Herne, Hoeilaart, Huldenberg, Kampenhout, Kapelle-opden-Bos, Kortenberg, Kraainem, Lennik, Liedekerke, Linkebeek, Londerzeel, Machelen, Meise, Merchtem, Opwijk, Overijse, Pepingen, Roosdaal, Rhode-Saint-Genèse, Sint-Pieters-Leeuw, Steenokkerzeel, Ternat, Tervuren, Vilvoorde, Wemmel, Wezembeek-Oppem, Zaventem, Zemst.

L’acquéreur ne peut être propriétaire d’un autre bien immeuble affecté en tout ou en partie à l’habitation et s’il y a plusieurs acquéreurs, ils ne peuvent pas être ensemble propriétaires d’un autre bien immobilier destiné à l’habitation (l’habitation qu’un acquéreur ou un des acquéreurs possède en copropriété avec des non-acquéreurs ne doit pas être prise en compte). L’acquéreur doit en outre s’engager à établir sa résidence principale dans le bien acquis dans les deux ans.

Conclusions

Loin de prétendre à une parfaite exhaustivité, la présente contribution s’est attachée à présenter un état des lieux des droits d’enregistrement applicables à l’acquisition d’un immeuble dans les trois Régions du pays. La concurrence entre celles-ci est féroce et s’illustre par des réformes menées à un rythme soutenu. De grandes tendances peuvent toutefois être dégagées : la volonté d’attirer les primo-acquéreurs, qui seront aussi les contribuables au précompte immobilier de demain, et le souhait de favoriser la rénovation du parc immobilier. Sous réserve de ceux applicables en Région flamande pour l’habitation unique, les droits d’enregistrement dus à l’acquisition d’un immeuble en Belgique sont et restent très élevés comparativement à ceux en vigueur dans les pays voisins et constituent encore, pour beaucoup, un obstacle de plus à l’accession à la propriété.

1 Art. 44 du Code des droits d’enregistrement.
Art. 46bis du Code des droits d’enregistrement.
Art. 44 du Code des droits d’enregistrement.
Art. 46bis du Code des droits d’enregistrement.
Art. 53 du Code des droits d’enregistrement.
Art. 53ter du Code des droits d’enregistrement.
Art. 55 du Code des droits d’enregistrement.
Art. 2.9.4.1.1 du Vlaamse codex fiscaliteit.
Art. 2.9.4.2.11 du Vlaamse codex fiscaliteit.
10 Art. 2.9.4.2.12 du Vlaamse codex fiscaliteit.
11 Art. 2.9.5.0.5 du Vlaamse codex fiscaliteit.

Article rédigé par François Collon
Avocat au barreau de Bruxelles
fcollon@collon-law.be

 

 

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