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En matière de copropriété forcée, il y a administrateur provisoire et administrateur provisoire !

Publié le 19 Décembre 2022

Depuis bientôt cinq ans, en marge d’une procédure disciplinaire, l’IPI est habilité à solliciter d’urgence la désignation d’un administrateur provisoire par le président du tribunal de première instance.

Motif : la suspension provisoire du syndic n’offre pas les garanties suffisantes

L’assesseur juridique peut suspendre le syndic provisoirement. À la suite du dépôt d’une plainte auprès de l’IPI, l’assesseur juridique chargé de son examen peut, à titre de mesure provisoire, interdire temporairement à l’agent immobilier concerné d’exercer la profession s’il craint que la poursuite de l’exercice de celle-ci par cet agent immobilier préjudicie à sa clientèle et/ou à l’honneur de la profession (art. 20, § 2, de la loi du 11 février 2013 organisant la profession d’agent immobilier, ci-après dénommée la "loi").

L’assesseur juridique peut solliciter une mesure judiciaire supplémentaire. Dans certains cas, aussi graves que rares, l’assesseur juridique peut redouter que cette sanction disciplinaire ne soit pas respectée par le syndic provisoirement suspendu.

L’article 21/1 de la loi (entré en vigueur le 1er février 2018) permet à l’assesseur de saisir le président du tribunal de première instance afin d’obtenir, en urgence, notamment la désignation d’un administrateur provisoire et le blocage de l’accès aux comptes de tiers "en vue de défendre l’intérêt collectif des membres de l’Institut et d’éviter toute atteinte à la déontologie de la profession ou d’éviter qu’un préjudice ne soit causé à des tiers".

L’assesseur juridique peut également introduire cette procédure d’urgence, d’une part, à la suite du classement sans suite d’une plainte – et requérir dans un tel cas une mesure d’instruction (par exemple, une expertise) – et, d’autre part, après qu’une sanction disciplinaire a été prise par la chambre exécutive, par exemple lorsque ladite sanction n’est pas respectée.

L’administrateur provisoire désigné remplace le syndic

L’administrateur provisoire exerce les missions de syndic. L’administrateur provisoire exerce à la place de l’agent immobilier provisoirement évincé l’ensemble des missions légales et statutaires incombant au syndic pour compte de chaque association de copropriétaires composant le portefeuille de ce dernier.

L’administrateur provisoire peut faire désigner un syndic. Rien n’empêche l’administrateur provisoire de faire désigner un syndic par l’assemblée générale ou par le juge de paix compétent.

Récent cas d’application : Civ. Flandre orientale, div. Termonde (prés.), 24 septembre 2021 (R.C.D.I., 2022/1, pp. 55-58)

Les faits. Le syndic visé dans cette affaire était impliqué dans douze affaires disciplinaires – certaines ayant débouché sur une sanction disciplinaire et étant contestées en appel, d’autres étant toujours en cours d’instruction par l’IPI. Le magistrat relève notamment que les faits qui sont reprochés sont de nature non seulement à porter atteinte à l'honneur et à la dignité du titre mais également à nuire à l’intérêt de ses clientes associations de copropriétaires. Aussi, son manque de collaboration et de diligence dans le cadre des poursuites disciplinaires en cours est clairement mis en exergue par le juge.

La décision. Aux termes de l’ordonnance présidentielle rendue le 24 septembre 2021, un "administrateur provisoire-syndic" a été désigné pour l’ensemble des associations de copropriétés anciennement gérées par le syndic incriminé.

Outre les missions légales incombant au syndic, cet administrateur provisoire est chargé de convoquer, pour chaque association de copropriétaires concernée, une assemblée générale extraordinaire lors de laquelle la révocation du syndic poursuivi disciplinairement et la désignation d’un nouveau syndic seront actées et votées.

Notons également que le premier est condamné à payer une provision de 5 000 euros pour couvrir les frais du second.

À ne pas confondre avec l’administrateur provisoire visé à l’article 3.92, § 2, du Code civil

Institution nouvelle depuis le 1er janvier 2019. Cette disposition légale vise les hypothèses de dysfonctionnement grave d’une copropriété en raison cette fois de l’attitude d’un ou de plusieurs copropriétaire(s) lorsque "l’équilibre financier de la copropriété est gravement compromis" ou que "l’association des copropriétaires est dans l’impossibilité d'assurer la conservation de l'immeuble ou sa conformité aux obligations légales". À l’inverse de la figure de l’administrateur provisoire visée ci-avant, la gestion du syndic n’est pas la cause du problème.

À garder en tête : le syndic peut d’initiative solliciter la désignation d’un tel administrateur provisoire

Éléments de procédure. Rappelons, dans le cadre limité de la présente contribution, qu’au même titre qu’un ou plusieurs copropriétaires disposant au moins d’un cinquième des quotes-parts dans les parties communes, le syndic est titulaire du droit d’agir en justice en vue de la désignation d’un administrateur provisoire. Une telle procédure doit alors être introduite par requête unilatérale signée par un avocat (art. 1026, 5°, C. jud.).

Une hypothèse en particulier : le blocage face à la nécessité de réaliser des travaux. Osons suggérer que, face à un refus de l’assemblée générale de procéder à des travaux pourtant nécessaires – par exemple pour des raisons de sécurité et tel que cela ressortirait d’un rapport établi par un expert –, à côté de la possibilité ouverte à un ou plusieurs copropriétaires de contester cette décision en raison de son caractère potentiellement abusif, le syndic en place pourrait solliciter la désignation par le magistrat cantonal d’un administrateur provisoire – un architecte ? – chargé de mener à bien ledit chantier quant à ses aspects techniques (rédaction d’un cahier de charges, appel d’offres auprès d’entreprises, sélection de l’une d’entre elles, suivi du chantier, etc.). Ce même syndic demanderait par ailleurs au juge de se voir investi temporairement d’un pouvoir d’administrateur provisoire limité aux aspects financiers et administratifs dudit chantier.

Dans les situations graves de dysfonctionnement d’une copropriété, le syndic professionnel peut jouer le premier rôle : soit il découvre les manquements graves d’un prédécesseur, à charge pour l’IPI de prendre des mesures provisoires en vue de sauvegarder les intérêts du reste du portefeuille du syndic succédé ; soit il prend lui-même l’initiative d’une procédure judiciaire devant le juge de paix lorsque l’attitude d’un ou de plusieurs copropriétaire(s) est la source du blocage.

Article rédigé par Julien Van Gils, Decode – Avocat

Article issu de la rubrique "L'Avis du Juge" du Federiamag n°31

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